Topia
les ateliers du paysage
une association pour agir
Les yeux de Bussy-Saint_Georges
Marne-la-vallée,
25 mai 2002
L’est
de la région parisienne se développe sous la double impulsion
de l’État avec la création de Marne-la-Vallée et celle
des parcs de Disney. Cette pression conjuguée impose un paysage
mêlant urbanisme des villes nouvelles comme Noisy-le-Grand et extension
de villages anciens comprenant immeubles et zones pavillonnaires denses
comme Bussy-Saint-Gorges. Notre sortie s’est intéressée à
ce second aspect : la dégradation d’un milieu rural originel et
sa substitution brutale par de nouveaux espaces.
Par ses excès conceptuels
et spatiaux, Bussy-Saint-Georges, point de départ de la sortie,
est l’illustration de ce nouveau modèle. À la petite commune
s’est ajoutée une ville avec sa gare RER, ses immeubles et, en périphérie,
ses quartiers de pavillons à la place de champs agricoles. La nouvelle
église, comme un écho à l’ancienne, voudrait symboliser
cette transformation et souligner la continuité entre le village
initial et son extension. Pourtant, le caractère artificiel de cette
dernière contredit la cohérence supposée entre les
deux espaces. La brutalité de la transformation opérée
marque une rupture avec la croissance normale d’un bourg.
Mais l’église, malgré sa charge symbolique, n’est pas le
monument le plus emblématique de cette mutation radicale. C’est,
indéniablement, l’imposant complexe hôtelier face à
la station de RER construit dans un style inspiré de l’Antiquité
grecque : colonnes, statues monumentales et yeux géants. |
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Grues et pavillons à
« l’assaut » de l’ancien paysage de Bussy © Thomas Le
Roux (Topia),
2002
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« L’Agora »
de Bussy © Thomas Le Roux (Topia),
2002
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Le contraste violent de cette architecture avec le paysage environnant
relève de l’absence de considération et de respect pour ce
dernier et, de sorte, du mépris. Ainsi, cette réalisation
malheureuse résume l’amère perspective inhérente à
l’implantation de Disney dans le secteur : celle de la société
de consommation et de sa vacuité individualiste. Le mode de vie
induit, limité au périmètre de l’immeuble ou du pavillon,
s’organise autour du travail, des grandes surfaces près de Disney
et, bien sûr, des loisirs avec les parcs et leurs extensions : boîtes
de nuit, multiplex, restaurants du Disney Village (sic). La voiture ou,
pour les plus défavorisés, les transports en commun servent
de lien entre les trois pôles.
Cette désincarnation explique l’absence de commerces de proximité
et d’espaces publics traditionnels (places avec commerces indépendants,
marchés…etc) d’où un sentiment persistant de malaise lors
de déplacements dans ces zones nouvelles.
Le verdict semble alors sans appel : la condamnation de cette organisation
de l’espace et de l’existence en découlant. Cependant, avec le recul,
notre jugement rappelle celui d’Émile Zola dans Nana critiquant
sévèrement le développement rapide du quartier de
Monceau, à Paris, en raison de son caractère artificiel et
arrogant. Mais ce nouveau Paris avec son immeuble haussmannien, également
fustigé par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris, fait, du moins
pour l’architecture, désormais référence. |
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Récentes zones
pavillonnaires sur la route de Chanteloup © Thomas Le Roux (Topia),
2002
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Un œil sur la place
de Bussy
© Thomas Le Roux (Topia),
2002
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Notre regard réprobateur changera-t-il au prisme de l’évolution
des critères critiques dont nous nous réclamons ? Les yeux
de Bussy-Saint-Georges, ceux qui veillent sur le complexe hôtelier
décrié, ne sont pas les nôtres. Voient-il plus juste,
plus loin ou, au contraire, sont-ils le signe de la Fatalité, tragique,
pesant désormais sur la cité ?
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