Topia
les ateliers du paysage
une association pour agir
Un week-end à l’Ouest
: Chronique du Pays d’Iroise
Les 7, 8 et 9 juin 2003
Aujourd’hui, ce ne sera pas « pluie entrecoupée d’averses
» au menu météo mais un ciel de traîne, idéal
pour entamer une journée de découverte du littoral sauvage,
à partir de notre point d’encrage, Porspoder. Sur la dune,
le vent d’ouest repousse les nuages à terre. La mer d’Iroise,
sorte de tampon géographique aux frontières imprécises
entre Manche au nord et Océan Atlantique au sud, semble disposée
à livrer quelques secrets.
La mer descend, découvrant les premières algues de l’étage
supérieur de l’estran, frange littorale concernée
par les marées. Il y a là la laitue de
mer (ulva lactuca, la fameuse algue verte) ou encore la pelvetie,
une algue brune des plus élevées de l’étage. Elle
décore les anfractuosités de ses toupets bruns. Semblable
à un lichen, elle serait, elle, un chaînon entre les végétaux
marins et leurs descendants terrestres.
Mais revenons à notre ère, comme le rappellent les masses
gélatineuses noires qui ornent honteusement le sable ou les galets.
Marque moderne de la conquête de la terre par des humains peu scrupuleux,
le pétrole souille en effet depuis quelques semaines le littoral,
déjà mis à l’épreuve voici 25 ans par la tragédie
de l’Amoco Cadiz, à une dizaine de kilomètres d’ici.
En remontant
sur la dune, nous croisons les plumeaux des queues de lièvres
(famille des graminées), qui s’élèvent du tapis de
plantes aplaties par le vent. Dans cette végétation en coussin
caractéristique, l’armérie maritime perche ses fleurs
roses, la silène maritime tremble, la carotte à
gomme attire les insectes, et la succulente cristhe marine (famille
des ombellifères) utilisée parfois comme condiment, s’accroche
à la roche. |
Flore bretonne ©
Thomas Le Roux (Topia), 2003
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Au creux d’une plage, nous refaisons l’histoire de la Terre, pour mieux
comprendre la formation de ce paysage, notamment par le phénomène
de dérive littorale.
Après
un « frugal » repas de fruits de mer, nous prenons le chemin
de la presqu’île Saint Laurent. Rendez-vous avec Pierre Arzel,
chercheur à l’Ifremer à Brest, spécialisé dans
l’étude et la gestion des ressources en algues de la région
qui est le plus grand champ d’algues exploitées d’Europe. Les pieds
dans la marée montante, nous observons divers fucus (spiralis,
vesiculosus et serratus), des ascophylles, des himanthales
ou encore palmaria palmata, algue consommée et commercialisée
sous le nom de dulse. Captivés par les anecdotes contées
par notre guide, nous en oublions presque les gouttes de pluies qui accompagnent
le flot. |
Presqu’île Saint-Laurent
© Thomas Le Roux (Topia),
2003
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Dimanche
matin, découverte de l’aber Ildut. La ria, comme les géographes
la nomment, est une forme cousine des fjords norvégiens. La région
des abers en compte trois : Ildut, Wrac’h et Benoit. Nous prenons
le temps de comprendre le phénomène des marées. Quand
le soleil a rendez-vous avec la lune, c’est pour faire bouger la mer, mais
c’est aussi pour sculpter la cote, permettre aux hommes de se nourrir,
exploiter certaines algues aux propriétés particulières
et inaccessibles en temps normal.
L’après-midi est consacré à une ballade découverte
de la presqu’île de Kermorvan, que nous atteignons après un
arrêt instructif au pied des éoliennes de Plouarzel
qui nous ont servi de repère à de nombreux moments. Pas de
doute, la Bretagne est bien venteuse ! Ces quatre géantes de 60
mètres font à présent partie du paysage : leur insertion
dans la campagne, légèrement en retrait du rivage, est ici
harmonieuse.
Le site
de la presqu’île de Kermorvan, près du port du Conquet,
présente quelques vestiges du mur de l’Atlantique servant à
la défense de Brest, base sous-marine allemande durant la
seconde guerre mondiale. Ce petit voyage dans l’histoire s’achève
par une lecture de carte marine. En effet, nombreux sont les points remarquables
: la pointe de Corsen (la plus occidentale de France métropolitaine),
les
îlots de Béniguet, l’archipel de Molène, Ouessant… |
Les éoliennes de
Plouarzel
© Thomas Le Roux (Topia),
2003
Lecture de carte marine
sur la presqu’île de Kermorvan © Coralie Baron-Le Roux (Topia),
2003
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Lundi matin, comment oublier les vieilles pierres ? Des dolmens ou menhirs
jusqu’à l’austère manoir de Kergroadès ou la
chapelle
Saint Éloi, enjolivée de poème et d’aubade traversière,
il fallait bien cela pour déguster l’ultime spécialité
du week-end : le cochon grillé.
Oublier
ce séjour sera au moins aussi dur que d’en avoir écrit le
résumé en moins de 3000 caractères !
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