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Topia les ateliers du paysage 
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Le sentier des pointières, où le chemin de la mémoire 

    Ce sentier retrace l’évolution et la mémoire du village des Pointières, hameau du Beaufortain situé à 1000 mètres d’altitude, au cœur du massif de la Roche Pourrie, à 9 km. d’Albertville. Un circuit de 2h.30 nous fait sillonner un versant de montagne, désormais pratiquement inhabité et retourné à la forêt : loin des stations et (trop ?) près d’une ville, c’est avec « les trente glorieuses » que l’activité agricole et le mode de vie traditionnel ont complètement disparu et laissé à l’abandon pâturages et vieux chalets (la chanson de Ferrat ne peut trouver meilleur exemple). Mais au cours de cette promenade, on comprend, plus exactement on «sent», combien la vie était difficile sur ce versant escarpé. 

    Difficile, la culture : il faut monter la terre, porter le fumier, labourer de petits champs pour obtenir avoine, seigle, pommes de terre. Pour cela, pas de tracteur et autres « grosses » machines, il faut tout faire à la main aidé simplement de mulets. C’est une forme d’agriculture intensive, avec prairies artificielles. Et tous les ans on remontera la terre du bas du champ vers le haut, pour ne pas perdre de sa «richesse». 

    Difficiles les foins, il faut prévoir la nourriture des bêtes pour six mois au moins ! Alors on fauche (toujours à la main) le moindre petit espace herbeux, même très pentu. On descend, à dos d’homme souvent, les énormes brassées de foin que l’on engrange dans les fenils des chalets.

   Difficile d’aller à l’école : pas de route déneigée, toujours à pied matin et soir et il faut aussi s’occuper du bois pour chauffer la classe... Ce chemin que parcouraient des enfants pour aller à l’école chaque matin jusqu’à la fin des années 50, c’est celui que l’on emprunte au début de cette promenade : trois quarts d’heure de montée sur un sentier pierreux (mais pour nous, c’est l’été : il fait beau, ni pluie, ni vent, ni neige...) pour arriver à un chalet aujourd’hui en partie effondré, et où vivait une famille de sept enfants. Des photos nous montrent le chalet du Cruet, « avant » et toute la famille. Autour, de petits objets, témoins de l’enfance de ces habitants âgés aujourd’hui de 50 ou 60 ans, nous feraient presque monter la larme à l’œil. Mais on refoule vite l’émotion et l’on s’extasie devant le «cacati» à deux places, construit en surplomb sur la pente... Beaucoup moins d’entretien que nos modernes fosses septiques !

    Le circuit continue : découverte d’un moulin à eau, que l’on n’imagine pas à cette altitude et dans un endroit aujourd’hui si reculé... traversée de taillis. Une photo nous montre une petite fille assise ici au début des années 1950 : c’était un grand pâturage.

    La forêt gagne : du travail accumulé par des générations pour cultiver ces espaces, bientôt il ne restera rien. En 1866, 24 familles soit 143 habitants vivaient aux Pointières ; il ne reste plus qu’une vingtaine d’habitants, dont les chalets sont situés en bordure de la petite départementale (bitumée, d’après les photos, dans les années 1970) qui passe à côté de la chapelle toujours en usage,  construite elle.... vers 1597 et dédiée à St Bernard de Menthon (le fondateur des hospices des cols du même nom).

   L’ensemble du parcours est jalonné de panneaux expliquant à partir de photos, de textes, le mode de vie des habitants de ce hameau : les veillées d’hiver, les coups de main que l’on se donne entre voisins pour refaire une toiture, pour aider en cas de maladie, pour lutter contre un incendie ou partir en sauvetage : en février 1901, c’est ainsi que trois jeunes alpinistes,  pourtant aguerris, ont été secourus, car emportés par une avalanche en voulant rejoindre Arèches par le Mirantin et le Grand Mont. Une photo montre le retour du « sauvetage», le corps du défunt transporté sur un brancard improvisé de branches grossières…
    Plus loin sur le sentier, on découvre la grange de « Solange ». Native de la commune, elle avait dû partir travailler à Paris comme femme de chambre, et avait racheté cette grange isolée pour finir sa vie dans son pays. Cette pratique était courante au XIXème siècle : en 1824, sur la commune de Queige, à laquelle appartient le hameau des Pointières, 128 personnes habitaient à Paris ( environ 10% de la population). 
Vue sur Albertville © D. Crémona (Topia), 2004
    Notre circuit pédestre se poursuit avec la visite d’un chalet d’alpage : on y résidait l’été avec les bêtes, à la fois pour nourrir les animaux sur les pâturages, faire le fromage, mais aussi pour récolter le foin tout autour et le stocker jusqu’à l’automne (on descendait, avec les premières neiges, le foin dans des chalets situés à plus basse altitude, où l’on vivait l’hiver). Dans le Beaufortain, ce « déplacement » appelé « la remue », pouvait nécessiter pour une même famille plusieurs chalets d’alpage situés à des altitudes différentes ; c’est pourquoi le paysage de ce massif est tellement parsemé de chalets : ils se comptent par centaines…
 
    Sur le versant des Pointières, les chalets étaient couverts de chaume : ce type de couverture demandait beaucoup d’étapes de préparation et d’entretien... La tôle, si décriée aujourd’hui, qui sert de couverture à tant de chalets savoyards, a été une sorte de « révolution » et a permis de sauver le patrimoine architectural de cette région... 

    Enfin, pour terminer cette promenade, un petit écomusée a été installé dans le fenil d’un chalet. Tout a été fourni par les habitants de la commune  : vieux outils à bois, haches, pics, passe-partout qui servent aussi bien pour le bois d’œuvre que pour le bois de chauffage... vêtements d’autrefois, galoches cloutées, pèlerines de bergers, mobilier sans usage aujourd’hui, étagères à pain, petits berceaux en bois … Et si vous avez envie d’en savoir plus, la vieille dame qui habite le rez-de-chaussée de ce chalet avec vaches et volailles, est prête à vous donner des nouvelles de tous ceux que vous avez vus sur les photos car elle est née aux Pointières !


 

L'éco-musée des Pointières  © D. Crémona (Topia), 2004
    
   L’ensemble de ce circuit a été réalisé et est entretenu  par une petite équipe de bénévoles locaux. Les matériaux ont été fournis par le Syndicat des communes du Beaufortain et la commune de Queige.

    Alors, si vous voulez, comme nous, tourner les pages de ce livre d’Histoire en marchant, venez faire une petite balade aux Pointières ! Topia en prévoit d'ailleurs d'ores et déjà une, lors du petit séjour dans cette région, qui sera organisé en... 2006 !
 

D. Crémona, pour Format Paysage n° 13, été 2004

 
 
 
 

 

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