Ulysse, un an et demi, avait décidé que notre week-end en
Puisaye commencerait bien tôt. Afin de ne pas réveiller
tout le gîte et pour le tenir calme et silencieux, je lui soufflais
un « chut !... » au creux de l’oreille, j’ouvrais la fenêtre
de la chambre, puis les volets. Assis sur le rebord, Ulysse découvrit
face à lui, dans le petit matin embrumé, la course d’une
bande de mésanges à longue queue à travers le verger
; dans l’herbe blanchie par la rosée, un pic vert à la recherche
d’un ver (ou d’un vers ?); un chardonneret passant méthodiquement
de branche en branche… Dans la prairie voisine, des corneilles se chamaillaient.
Au faîte de la grange, un couple de tourterelles roucoulait tendrement,
alors que le coq de la basse cour s’évertuait à couvrir tout
ce tintamarre. Des grognements s’échappaient d’un petit enclos :
ceux des cochons de la ferme qui hébergeait notre groupe.
Ulysse demeura longtemps à contempler sagement la douce animation
du bocage de Mézilles, riant des « cocottes »
voraces, désignant tantôt les insectes dans les feuilles de
rhubarbe, tantôt la haie, les clôtures et les ânes… L’expérience
le marqua tant qu’il m’invita de nombreuses fois, à son réveil,
à la renouveler tout au long de l’été en posant un
doigt sur sa bouche et en me disant « chut !... »
Antoine, quant à lui, conserve en mémoire de ce séjour
dans le nord-ouest de la Bourgogne, région bien différente
et éloignée des paysages qu’il connaît, le souvenir
de sa première expérience de sculpteur, avec son cousin Emile.
La pierre des carrières de Courson fut un vrai plaisir à
tailler et il garde fièrement sur son bureau le vide poche qu’il
a réalisé à cette occasion...
Le samedi, nous aurions bien passé le reste de la journée
à savourer le cadre du village de Druyes les Belles Fontaines
où notre groupe a pique-niqué, la résurgence, cette
eau limpide, la colline et son château… Mais nous prenions alors
la direction d’Auxerre.
Les commentaires de notre guide lors de la visite de la vieille ville et
de la cathédrale me furent précieux pour décrire cette
même cathédrale et l’abbaye de Saint Germain à mes
élèves deux semaines plus tard à l’occasion de notre
voyage de fin d’année. Nous allions d’ailleurs retrouver la même
guide dans les ruelles de Vézelay.
Le week-end réservait encore de nombreuses surprises aux enfants
: des huttes médiévales et un foyer furent découvert
dans les bois à proximité de notre gîte de la Métairie.
Un feu fut allumé et le chaudron empli d’une improbable potion allait
vite bouillonner. Les effluves de la mixture nous transportèrent
vers un préférable et mémorable banquet médiéval
: chacun avait fait preuve d’imagination pour se costumer, les plats eux-mêmes
rappelaient les saveurs du moyen-âge.
Le dimanche, il allait bien falloir toute la journée sur le chantier
médiéval de Guédelon pour découvrir comment
on utilisait, au Moyen-âge, pierre, bois, terre, sable, argile...
Et comment travaillaient carriers, tailleurs de pierre, maçons,
bûcherons, charpentiers, forgerons, tuiliers, charretiers, vanniers,
cordiers... Outre une découverte des techniques de construction,
notre immersion dans le Moyen-âge se prolongeait avec la présentation
de la vie au château et de son système de défense.
Le chantier a débuté en 1997 et devrait durer environ 25
ans.
Nul doute que Tristan qui fut très impressionné, aura
l’occasion de voir ce paysage se transformer...
Mais en fait, où étions nous ? Vraiment en Bourgogne ?
Le bocage n’était pourtant pas sans rappeler celui de la Normandie
que nous avions parcouru l’année précédente, ou encore
les vallées de l’Yonne, celles de l’Ile-de-France avant son urbanisation.
Et à quelle époque au juste? Le retour allait être
difficile...
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À Auxerre, sur
l’Yonne et sous la cathédrale © Thomas Le Roux (Topia), 2008
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Le Château de
Guédelon © Thomas Le Roux (Topia), 2008
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