Partager
Exprimer
Agir
Lire
Regarder
    Arts et paysages
 
Accueil
Contact

 

 

Topia les ateliers du paysage 
Savoir regarder pour se représenter les paysages

Le paysage dans l’Art contemporain
      son histoire, en raccourci

      La lumière de la fin d’après-midi est bien particulière, réchauffant les couleurs et étirant les ombres. Cet instant même, aussi fugace et changeant soit-il, est saisi par les brosses de Monet et de ses contemporains. Ils en oublient presque le trait, le cerné, le dessin. Les couleurs s’étalent et ne se fondent pas. Elles sont côte à côte, en touches « grossières », ni complémentaires, ni en camaïeux, parfois en désaccord. On voit la trace du pinceau. Le clair et le sombre se bagarrent. Et c’est exactement ça. La lumière est saisie dans une grande justesse, du moins la sensation visuelle qu’on en a. Tout vibre. On sent vraiment le chaud et le froid. Pourquoi ? Le plus grand changement est technique : la peinture se vend en tube. Le peintre alors fait l’atelier buissonnier pour planter son chevalet dans les courants d’air, son modèle sous les yeux.

      Puisque les impressions changent au gré de l’heure et des saisons, Cézanne revient de manière obsessionnelle sur les mêmes lieux et pendant une longue période, ne changeant pas de modèle. Il peint La Montagne Sainte Victoire et, se laissant aller à une grande familiarité avec son modèle, prend de grandes libertés dans sa palette de couleurs.
Les peintres héritiers de cette liberté laissent à la photographie le soin de transmettre ce qui se voit et se concentrent sur ce qu’ils sentent. La peinture devient le lieu des humeurs, des sensations et des sentiments. Chez Matisse, Kandinsky ou d’autres encore, les ciels empourprés surplombent des arbres jaunes, et les poissons nagent dans des eaux multicolores.

Henri Matisse, Océanie, la mer, collage (1946)

       L’Histoire de l’Art est riche de ses glissements colorés, qui va de pair avec une déstructuration du paysage. Si le ciel et la terre ont la même couleur, ils s’épousent en effaçant notre repère le plus commun, le premier trait du paysage de la peinture classique : la ligne d’horizon.
 
      Alimentés dès 1910 par les recherches des Cubistes qui défient les lois de la perspective en représentant un objet sous tous ses points de vue dans le même tableau (à la fois de face, de profil, de dos, vu d’en haut ou d’en bas, de loin ou de près…), les artistes décomposent et recomposent le paysage.
      Celui-ci subit des torsions ou des simplifications, les repères classiques disparaissent et les personnalités artistiques s’affirment. Ces tableaux sont les reflets des états d’âme du peintre, tel Mondrian, et de leur époque ; ils nourrissent des théories qui parfois s’affrontent mais qu’on regroupe sous un dénomination générale : l’Abstraction.

Piet Mondrian, New York City (1941)

     Evidemment, on peut y voir des nuances, des sous-familles, des courants divergents, mais une chose semble claire : la peinture ne suffit plus. Picasso et Braque les premiers se baissent pour ramasser, Picasso le cannage d’une vieille chaise et Braque le journal du jour, et les collent dans leur composition cubiste. Ce geste banal marque le début d’une révolution. Par la suite (vers 1950), Max Ernst ou Matisse font œuvre de collages de papiers imprimés ou peints donnant à leurs paysages des accents surréalistes ou décoratifs.   Mais il faut attendre la fin des années 60 pour que la cueillette, les prélèvements et récoltes en tous genres s’ancrent au cœur des démarches de certains artistes. 

      L’artiste se sert dans le paysage et le restitue sous forme d’assemblage, d’inventaire, de kit ou de collection. C’est par morceaux que le paysage entre « pour de vrai » dans le musée. Ces pratiques ouvrent la porte à de nouvelles générations d’artistes : des marcheurs avec des poches et des sacs. Certains ne reviennent pas à l’atelier et font « œuvre » dans le paysage même. Comme les Impressionnistes, ils ont les pieds dans l’herbe mais choisissent leur paysage comme lieu d’action, d’intervention. Ils recomposent, retouchent et de façon très spectaculaire ou plutôt intime laissent leur trace, éphémère.

     Le couple Christo par exemple en 1969 emballe des kilomètres de côtes australiennes avec  une  bâche blanche, dans un drapé  presque  antique.
Nils Udo, Andy Goldsworthy, Richard Long et bien d’autres artistes du Land Art utilisent les matériaux qu’ils trouvent sur place et tels des démiurges canalisent la foudre et les vapeurs, sculptent la neige, assemblent les cailloux, les branches, et les feuilles, prolongent les jetées, creusent et entassent. La photographie et la vidéo en conservent les traces, qu’ils exposent au musée.

    De Monet au Land Art, il faut prendre pas mal de raccourcis pour que l’histoire tienne en une page... 

    Pour appréhender la diversité des approches et des moyens, rendez-vous à l’entrée du Musée d’Art Moderne, au niveau 4 du Centre Pompidou, le mercredi 23 avril à 18h15 (pour une visite à 18h30).
 

Juliette Barbier,  pour Format Paysage n° 07, hiver 2003

 
 
 
 

 

© Copyright : Topia les ateliers du paysage