Topia
les ateliers du paysage
Savoir regarder pour se représenter
les paysages
Art et paysage
Le
cycle de conférences de cet hiver, au Musée d’Orsay et au
Musée d’Art Moderne, s’est terminé en mai dernier à
Barbizon, en forêt de Fontainebleau. Retour sur l’École de
Barbizon et l’impressionnisme…
Le paysage et l’École de Barbizon
Avec les
peintres de l’École de Barbizon, le paysage, de cadre pour les scènes
religieuses, historiques ou mythologiques, devient sujet à part
entière.
La peinture de Corot est caractéristique de ce mouvement
: en début de carrière, dans les années 1820, il reste
marqué par l’académisme et agrémente ses paysages
de nymphes. Mais plus tard, ses personnages seront plutôt… des vaches.
Millet
aussi rompt avec l’académisme, tout en peignant d’une manière
qui rappelle, dans la composition du sujet, les toiles de
Poussin.
Car il veut lui aussi représenter des héros. Mais des héros
actuels : les paysans, tels cet homme et cette femme qui interrompent leurs
travaux pour la prière de L’Angélus. Ou bien encore Les Glaneuses
dont les bonnets, peints en couleurs primaires tranchent sur les tons neutres
du paysage. Et comme celles de Corot, les toiles de Millet sont réalistes.
Elles donnent une idée du temps qui passe, du temps qu’il fait.
On peut deviner, en les regardant, si la scène se déroule
le matin ou bien à la tombée du jour. Ce soucis de l’éclairage
est une véritable nouveauté.
Il faut
s’approcher de ces toiles. L’épaisseur de la matière ainsi
que les teintes utilisées rendent des impressions, des sensations
: humidité, fraîcheur de la forêt... Avec Diaz
de la Pena et Théodore Rousseau, on a les pieds dans
la glaise, on marche sur la mousse. Quant à Dupré,
il a manifestement rencontré à Barbizon, comme Corot
avant lui, davantage de vaches que de nymphes.
Haine
du milieu académique, intérêt pour les paysages et
la lumière... Se soumettre à la réalité observée
et la représenter, sans la magnifier... Voilà ce qui lie
les peintres de Barbizon. Mais si Rousseau a toujours été
« l’éternel refusé », la peinture en extérieur
reçoit une consécration au Salon de 1873 où L’Hiver
de Daubigny reçoit la grande médaille d’honneur.
Paysage et impressionnisme
Manet,
bien qu’en marge du groupe des impressionnistes, en est une figure emblématique.
Son Olympia (1865), exposée deux ans après le Salon des refusés,
est peinte de manière académique. Aucun coup de pinceau n’est
discernable. Mais en revanche, le bouquet qu’elle tient, véritable
explosion de couleurs est réalisé à la brosse et au
couteau et manifeste l’émergence d’une technique moderne, d’une
peinture nouvelle. Pour Manet, la peinture, c’est la couleur, c’est la
matière. Cela influence Monet, qui peint en plein air. La
lumière et la couleur deviennent ses principaux sujets d’étude
(Effet de soleil après la pluie,1879, La Cathédrale de Rouen,
1892-94). |
La Seine à Vétheuil,
effet de soleil après la pluie (1879), Monet, Musée d’Orsay
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Le mouvement impressionniste compte d’autres peintres de plein air : Bazille
notamment, dont La Réunion de famille concurrence avec succès
Les Femmes au jardin de Monet. Et si Renoir est plutôt
un portraitiste, Pissaro et Sisley sont avant tout des paysagistes
et des pleinairistes. Sisley, qui peut être qualifié
comme Boudin l’était par Corot de « roi des ciels »,
a observé mieux que tous les autres le phénomène de
réflexion de l’eau.
Les années
1870 marquent un tournant. L’urbanisation et l’industrialisation influencent
la peinture des impressionnistes. Les paysages représentés
évoluent. Le Pont du chemin de fer à Argenteuil de Monet
par exemple, représente un paysage moderne où le train et
les passerelles métalliques ne sont pas occultés (cf. Format
Paysage n°4). Une réflexion
sur la représentation du monde moderne apparaît : Le Champ
de course de Degas est conçu comme une photo prise
sur le vif. Et le gagnant de la course n’est pas le cheval arrivé
premier, mais le train, qui apparaît en arrière plan.
L’impressionnisme devient alors un point de départ pour les divisionnistes
comme Signac ou Cross (pointillistes pour ceux qui les critiquent).
L’étude porte sur la couleur, mais le mouvement, la spontanéité
caractéristiques de l’impressionnisme disparaissent.
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