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les ateliers du paysage
Savoir regarder pour se représenter
les paysages
Typologies
Exposition au Centre Pompidou - 20 octobre
04 au 3 janvier 05
Unique et inclassable,
à la croisée du documentaire et de l’esthétisme, l’śuvre
des photographes allemands Bernd et Hilla Becher, dont une rétrospective
était présentée au Centre Pompidou du 20 octobre au
3 janvier derniers, peut interpeller le lecteur de Format
Paysage à plusieurs titres.
Tout d’abord par la seule beauté plastique de ces clichés
en noir et blanc, qui derrière une apparente simplicité dissimule
une technique photographique relativement élaborée. Prise
à l’aide d’une chambre à plaque, montée sur trépied,
utilisant un format de négatif de 13 x 18 cm, la profondeur de champ
et la définition des images sont obtenues grâce à un
film peu sensible (finesse du grain) et un temps de pause relativement
long (de 20 à 40 minutes). Seule la lumière diffuse des temps
gris et uniformément couverts, permet l’élaboration de telles
vues. Les cadrages, le plus souvent de face ou en perspective cavalière,
mais plaçant toujours le sujet au centre de l’image, cherchent aussi
à éliminer toutes formes de distraction (individus,
nuages, fumées, ombres...) et évitent encore toute distorsion
de perspective et des intersections avec la ligne d’horizon témoignant
d’une volonté d’exclure tout élément spontané
et de neutraliser leur objet. Le point de vue est le plus souvent surélevé.
Et Bernd et Hilla Becher ont fréquemment recours aux échelles
et échafaudages si le contexte ne permet pas de faire directement
de tels cadrages. |
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Paysage industriel
de Duisburg, dans la Ruhr © B. et H. Becher
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Bernd Becher est né en 1931, dans une région fortement industrialisée
près de Cologne ; Hilla, née en Allemagne de l’Est, découvre
la région de la Ruhr après la guerre. Très tôt
ils ont conscience de la beauté et de la fragilité des bâtiments
industriels qu’ils commencent à photographier ensemble en 1958,
la plupart du temps au téléobjectif, toujours pour éviter
les déformations. Dans les années 60 et 70 ils parcourent
l’Europe et l’Amérique, et dressent un inventaire des architectures
industrielles : « Nous étions persuadés que, d’une
manière très particulière, ces constructions étaient
des témoins de leur époque, que cette architecture était
complètement liée à l’économie, disons à
la pensée de l’économie industrielle. Et puis est arrivé
le moment où je me suis rendu compte que ces objets allaient disparaître.
Et j’ai pensé qu’il s’agissait d’une architecture qui avait la même
importance que celles des sites d’extraction calcaire datant du Moyen Age
qui, eux, nous transmettent la manière de penser d’autrefois »
(B. Becher).
Leurs photographies témoignent ainsi de la richesse du patrimoine
industriel de l’après-guerre et nourrissent une réflexion
sur l’irréversibilité du temps et sur les relations entre
fonctionnalité et esthétique.
C’est encore la démarche des Becher qui retiendra notre attention.
Ils ont mené pendant plus de quarante ans un projet descriptif et
systématique de recensement, par la photographie, de bâtiments
industriels : châteaux d’eau, tours de refroidissement, gazomètres,
puits de mine, silos, hauts-fourneaux, four à chaux... qu’ils ont
ensuite classés en séries typologiques. Ces regroupements
d’éléments ayant en commun certains traits caractéristiques
(fonctionnels, géographiques, structuraux, historiques, esthétiques...)
aboutissent à des présentations d’ensemble de neuf «
sculptures anonymes », ou plus, en lien direct les unes avec les
autres. Ces photographies, réalisées dans le nord est des
Etats-Unis, en Angleterre ou au pays de Galles, dans le nord de la France,
en Lorraine ou en Bourgogne, témoignent des subtiles nuances de
ces paysages des anciennes régions industrielles. |
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Un exemple de typologie
: les chevalements miniers © B. et H. Becher
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Les passages de l’article
en italique sont extraits des dossiers d’Arte et du Centre Pompidou, consacrés
à l’exposition et réalisés à partir d’interviews
des Becher.
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