Topia
les ateliers du paysage
une association pour agir
Le Manifeste pour les
Paysages
En 2005,
plusieurs organisations se sont rassemblées et ont rappelé
l’enjeu des paysages pour l’avenir de notre environnement et de notre société.
Leur travail commun a abouti, sous l’impulsion de la Fédération
des Conservatoires d’Espaces Naturels et de la Fédération
nationale des SAFER, à la rédaction de ce Manifeste pour
les Paysages, qui a été présenté à
l’Assemblée nationale en mars 2006. Depuis, Topia
a signé ce manifeste. Cet appel à la mobilisation est à
l’origine des États Généraux du paysage du
8 février prochain.
La richesse paysagère de la France
: un enjeu majeur
La France est unanimement
reconnue pour la richesse et la diversité de ses paysages. Fruits
de la patiente action des hommes au cours de longues évolutions
naturelles et historiques, les paysages qui nous ont été
légués représentent un authentique patrimoine
:
- culturel, car ils
sont la mémoire tangible des sociétés qui nous ont
précédés et constituent une part essentielle de notre
identité collective,
- environnemental et
écologique, car ils contribuent à la gestion de l'eau
et des sols, au maintien de la biodiversité et à la maîtrise
des principaux risques naturels,
- économique,
car leurs qualités donnent une image positive aux produits des régions
et des terroirs, renforcent l'attractivité locale pour l'habitat
et l'implantation d'activités et sont au coeur du développement
touristique de notre pays,
- social, car les
paysages constituent un bien public fondamental qui offre aux populations
urbaines et rurales un cadre de vie équilibré et harmonieux
pour favoriser les échanges, la sociabilité, la vie collective,
l'accueil et l'intégration de nouvelles populations.
Des bouleversements brutaux et mal maîtrisés.
Il est normal de voir les
paysages vivre et se transformer au gré des sociétés
qui les produisent. Mais aujourd'hui, après un siècle d'exode
rural, les villes conquièrent les campagnes, modifiant profondément
l'organisation spatiale et les rapports entre ces deux milieux. Une rupture
s'opère sans que ses conséquences en soient maîtrisées
du fait de l'absence de projets coordonnés concernant les paysages,
d'une surenchère des propositions d'aménagement sans lien
entre elles, de l'irruption d'infrastructures hors d'échelle ou
mal positionnées.
Dans le même temps,
les territoires qui subissent une déprise agricole et démographique,
voient des pans entiers de leurs espaces abandonnés ; leurs paysages,
déstructurés, perdent toute lisibilité.
Dans les territoires en fort
développement économique, l'étalement urbain s'accompagne
le plus souvent d'une consommation déraisonnable du capital foncier
qui constitue pourtant une ressource non renouvelable : doublement des
surfaces urbanisées depuis 1945, augmentation de 17% des surfaces
artificialisées ces dix dernières années alors que
la population s'est accrue de 4% seulement.
Ce mode de développement
n'est pas durable, car il repose sur un renchérissement du coût
des sols, une surconsommation d'énergie, une perte irréversible
et un mitage des terres agricoles et des espaces naturels, une dégradation
de l'environnement. Il entraîne un accroissement des charges l'aménagement
pour la collectivité.
En termes paysagers, ces
modèles d'aménagement s'imposent trop souvent sans respect
des spécificités historiques et géographiques de chaque
lieu. Ils conduisent à une banalisation des territoires, créant
de nouveaux espaces sans repères, ni qualités propres. Faute
de solutions adaptées découlant d'approches paysagères
plus fines, ces aménagements sont d'ailleurs rapidement obsolètes
; à peine réalisés ils sont déjà à
réhabiliter ou à détruire.
Pour des paysages choisis, non subis
Il est urgent de se donner
les moyens d'accompagner les transformations des paysages urbains et ruraux.
Seule une véritable mobilisation nationale sur le long terme, pour
des paysages de qualité et pour une politique foncière préservant
l'avenir, permettra de répondre à ce défi. Le paysage,
la maîtrise foncière, la qualité des interventions
sur l'espace, l'équilibre entre l'urbain et le rural doivent être
placés au coeur des projets d'aménagement, à tous
les niveaux territoriaux.
Ces projets doivent répondre
aux enjeux suivants :
- protéger efficacement
le patrimoine paysager dont nous avons hérité et en assurer
une gestion active ;
- retrouver une créativité
pour donner qualité, sens et humanité aux paysages que notre
époque génère et qu'elle transmettra aux générations
futures ;
- mieux coordonner les interventions
spatiales et fonctionnelles des multiples acteurs qui agissent pour le
paysage, être plus économes dans notre consommation d'espace
tout en répondant à la demande importante de logements, aux
besoins de zones d'activités et de services, d'infrastructures.
La prise en compte du paysage
est essentielle pour élaborer des projets de territoire s'inscrivant
dans une démarche de développement durable.
Dans ce cadre, les collectivités
locales, mais aussi les organismes professionnels et les associations,
ont un rôle important à jouer pour sensibiliser et former
les nombreux acteurs qui font le paysage et pour rechercher les convergences
entre les aspirations individuelles et les enjeux collectifs liés
au paysage. Pour sa part, l'Etat doit assumer résolument son rôle
d'orientation en matière de préservation, de gestion et de
création de ce capital commun, tout en dotant sa politique du paysage
de moyens à la hauteur des enjeux.
Les signataires du présent Manifeste
pour les Paysages :
- appellent à une
mobilisation nationale en faveur des paysages,
- demandent la mise en place
de réels projets, à chaque échelon territorial, permettant
de renforcer la protection et la gestion du patrimoine paysager et de redonner
une ambition à la création des paysages contemporains,
- proposent à toutes
les institutions et à toutes les personnes qui le souhaitent de
rejoindre cette initiative et d'apporter, dans leur champ d'intervention,
leur contribution à l'amélioration des paysages,
- appellent les signataires
à se retrouver en 2006, pour mettre en commun leur propositions
et saisir les décideurs à l'occasion de véritables
"Etats généraux du paysage."
Pour plus d’informations, vous pouvez
consulter le site
http://www.manifestepourlespaysages.org/
Discours de M. Rousseau-Dufour
à l’Assemblée
nationale (Extraits)
15 mars 2006
Lors de la présentation
du Manifeste pour les Paysages à l’Assemblée nationale,
le président de la Fédération
des Conservatoires d’Espaces Naturels, Jacques Rousseau-Dufour, rappelait
l’esprit de la mobilisation et incitait à poursuivre la dynamique
engagée. Nous publions ici les principaux extraits de son discours.
« Je voudrais tout d’abord souligner que la rédaction de ce
texte est le fruit d’un travail collectif réalisé à
la suite de trois réunions d’échanges très riches
et desquelles le président Thévenot et moi même, furent
particulièrement surpris et étonnés de la participation
importante et active des structures présentes. Structures très
diverses par leurs formes juridiques, l’importance de leurs réseaux
et par leur objet premier. Cette large représentation a, si j’ose
dire «accouché» d’un texte, qui bien que érodé
car consensuel, conserve l’expression d’une conviction et d’une volonté
d’engagement très forte.
Nous avons pu réunir à cette occasion des personnes qui dans
le cadre de leur activité professionnelle ou bénévole
ou de « loisir éclairé » oeuvrent depuis trente
années et parfois plus sur la thématique du Paysage et nous
les remercions très vivement de nous apporter ainsi fort simplement,
leur expérience et leurs connaissances. Et si nous sommes très
honorés de leur présence, nous sommes de ce fait hautement
responsabilisés sur cette démarche et confirmés de
son opportunité. (...) Le groupe de travail a émis des souhaits
nombreux dont une partie sans doute de nature réglementaire mais
surtout et essentiellement d’adaptation de nos pratiques, de nos méthodes
pour une bien meilleure prise en compte du Paysage dans les politiques
publiques. Le Paysage ne manque pas d’outils mais plutôt d’Artisans.
Le paysage est, au delà des considérations de nature esthétique,
à la fois le décor et le produit des activités humaines.
Mais à ce titre de valeur globalisante, «transversale»,
il est rarement pris en compte à sa juste place dans nos politiques
sectorielles et bien trop souvent, il demeure une variable facultative
ou optionnelle. Le terme même de paysage fait encore sourire certains
de nos décideurs ou aménageur, comme le faisaient ceux de
réchauffement climatique et de diminution de la couche d’ozone il
y a encore peu de temps. Et pourtant le paysage fait partie de notre cadre
de vie et de notre environnement proche, qu’il soit rural ou urbain, nous
y vivons et nous nous en nourrissons quotidiennement. Il représente
la perception la plus facile et la mieux partagée, c’est sans doute
ce qui peut expliquer la banalisation et la standardisation dont il est
l’objet beaucoup trop souvent. Et pourtant il nourrit les échanges
quotidiens que peuvent avoir nos concitoyens avec leur environnement proche
et à ce titre, le paysage est une valeur culturelle de premier ordre
puisqu’il nourrit, enrichit notre Monde intérieur. En relevant l’existence
de ces mécanismes d’interaction entre l’Homme et son cadre de vie,
il nous faut aussi constater, ce que j’appellerais, une consommation visuelle
du Paysage, forme d’habitude devenue courante chez certains de nos concitoyens
que l’on pourrait qualifier de perception « cathodique » consistant
à « zapper » d’un paysage à un autre au fil d’une
liaison autoroutière à grand gabarit reliant leur lieu de
vie quotidienne à leur lieu de villégiature ; ce type de
perception même superficielle existe aussi et il nous appartient
d’en tenir compte et elle souffre aussi des nombreuses atteintes au Paysage.
(...)
Nous constatons objectivement des évolutions rapides et des atteintes
irréversibles qui ne vont pas dans le bon sens. Nos préoccupations
les plus urgentes se portent sans aucun doute vers le littoral, la montagne
et surtout les zones péri-urbaines. La DIACT nous enseigne que dans
moins de quinze ans, c’est vingt cinq pour cent de notre territoire qui
sera considéré comme péri-urbain et accueillera sûrement
une majorité de nos concitoyens. Malheureusement ce déplacement
géographique et sociologique risque de s’effectuer comme il a commencé,
de manière non contrôlée, par des pratiques de sur-consommation
foncière (...) et des politiques d’aménagement créant
des zones d’activités et de vie, par trop artificialisées,
standardisées qui perdent toute typicité, où nos concitoyens
risquent de ne retirer ni racines, ni lien social. Ne reproduisons pas
les erreurs d’urbanisme et d’architecture passées, même dans
un autre contexte, pour lesquelles nos banlieues paient encore un lourd
tribut en terme de déshumanisation, d’absence d’espaces cohérents,
et de médiocre vie sociale. La préoccupation paysagère
pour des lieux équilibrés où les activités
humaines s’organisent plus harmonieusement sera demain d’autant plus importante
que les exigences de qualité de vie de nos concitoyens augmentent.
A constater ce que bien souvent nous avons fait de nos entrées de
villes, de bourgs ruraux, de nos zones d’activités, essentiellement
sur des critères économiques et commerciaux, nous pouvons
être inquiets.
Les menaces qui pèsent sur nos espaces naturels et ruraux sont de
même nature. Que pouvons nous sacrifier de ce qui fait la spécificité
mais aussi la fonctionnalité de ces espaces ? Pour ce qui est des
espaces naturels et de la biodiversité, le président des
conservatoires d’espaces naturels que je suis, constate que les mécanismes
d’évolution du paysage sont liés à ceux de l’évolution
des espaces naturels et ruraux. La fragmentation des espaces et des habitats
est la plus forte source de perte de diversité biologique avec l’artificialisation
des surfaces par les activités humaines. L’appauvrissement et l’uniformisation
des paysages précèdent toujours les pertes écologiques,
les notions de trame, de corridors sont sous estimés et peu prises
en compte. Nous constatons que « plus nous créons d’aires
protégées » et plus nous perdons de biodiversité.
L’explication est donc dans des changements plus globaux, certes macro-climatiques
mais aussi dans la faible prise en compte des conséquences de nos
activités. Comme pour les espaces naturels, il nous semble que les
solutions d’avenir passent sans aucun doute par des mesures contractuelles
et démonstratives d’une part et d’autre part par une appropriation
plus importante des problématiques paysagères par le plus
grand nombre et par l’ensemble des acteurs locaux. (...)
Vous l’avez compris, les premiers signataires du « Manifeste pour
les paysages » sont décidés à continuer à
travailler avec enthousiasme et passion pour que, suite à la ratification
de la Convention européenne du Paysage par la France (dont nous
nous félicitons) puisse se construire une véritable politique
nationale du Paysage dans le long terme, qui doit permettre d’enclencher
une dynamique forte dans notre pays. Nous continuerons de travailler pour
aboutir à des propositions concrètes aux différents
niveaux de décision et d’action jusqu’à une grande «
rencontre nationale du Paysage » que nous souhaiterions pouvoir organiser
en 2007. (...) Pour conclure, je dirai que les éléments nécessaires
à une gestion concertée et partagée du paysage, «
vers des paysages choisis et non subis » nous semble donc à
notre portée au prix d’une mise en dynamique de l’ensemble des acteurs
et en réaffirmant que le progrès de l’Homme ne peut qu’aller
de pair avec une amélioration objective et subjective de ses conditions
de vie. Ne serait ce pas concrètement ce que l’on appelle le développement
durable ? »
À relire également
: la charte de Topia,
rédigée en mai 2001, sur notre site http://topia.online.fr/partager2.htm
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