Topia
les ateliers du paysage
une association pour favoriser l'expression
de chacun
Le centre-ville de Boulogne-Billancourt
Rien de bucolique
dans mon paysage quotidien ! Comme beaucoup d’habitants des grandes villes,
mon horizon s’arrête là où commence celui des autres
et ces derniers étant nombreux au mètre carré, autant
dire qu’il s’arrête vite !
Pourtant,
je suis une privilégiée : les deux bâtiments qui limitent
mon champ de vision, à savoir la poste centrale (sur la gauche)
et l’Hôtel de Ville (en face) sont non seulement agréables
à regarder mais également classés monuments historiques
puisque designés par Le Corbusier et Tony Garnier. Et, cerise sur
le gâteau, j’ai vue sur trois arbres ! ! !
Disons que je suis borgne dans un royaume d’aveugles car au sein de la
cité, les « jolies vues » sont une denrée rare
: le privilège d’embrasser l’horizon de sa fenêtre se paie
de plus en plus cher. A New York, posséder une terrasse est devenu
« the » attribut de la réussite sociale. Au même
moment, en Europe, la randonnée fait fureur. Si nos ancêtres
pouvaient nous voir prendre autant de plaisir à marcher sur des
kilomètres, ils se taperaient bien fort sur le ventre ! |
La rue Jean Bouveri
à Boulogne-Billancourt
© Fabienne Sérandour
(Topia),
2003
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A l’heure
où nos modes de travail permettent de limiter les déplacements
au strict minimum, évoluer à l’air libre devient symbole
de détente et de convivialité. On nous a appris que le temps,
c’est de l’argent ; désormais la valeur montante, c’est l’espace.
Comme si notre mémoire collective nous titillait tout à coup,
nous rappelant d’où nous venons, cet écosystème dont
nous n’avons eu cesse de nous isoler dans une quête de confort effrénée.
Certes, nous avons tiré la leçon des mésaventures
des trois petits cochons : nos habitations sont sûres, chaudes et
saines. Mais à quel prix ? Les citadins évoluent dans un
monde de murs auxquels ils finissent par ressembler étrangement.
Est-ce l’homme qui façonne le paysage ou le paysage qui façonne
l’homme ? Où finit l’humanisation et où commence la déshumanisation
?
Mon paysage rêvé est fait de mer à perte de vue, d’une
maison aux larges ouvertures pour ne rien perdre de l’immensité
et de sa lumière, d’un environnement où voisinage ne serait
plus synonyme de promiscuité et de nuisance mais d’échange
et d’entraide. Étonnant, non ?
Fabienne Sérandour
pour Format Paysage
n° 09
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