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Topia les ateliers du paysage 
une association pour favoriser l'expression de chacun

Points de vue 

  La saga des Terrains Clause à Brétigny-sur-Orge
    par Jean Bret 
  L’île Seguin rasée : 1992-2005 fin d’une histoire
    par Thomas Le Roux 
  Le mont Blanc, 4808 mètres: le plus haut panorama européen est-il le plus beau ?
    par Thomas Le Roux et Matthieu Turlure
  L'exposition CLIMAX : une chance pour l'environnement !
    par Charles Moulin
  Les éoliennes, un enjeu avant tout énergétique
    par Maria Lincot
  Pour des noms qui témoignent de la mémoire des hommes, ou des lieux ?
    par Charles Moulin et Fabienne Sérandour



La saga des Terrains Clause à Brétigny-sur-Orge :
Où s’opposent construction et préservation des espaces agricoles...
 
Nous sommes à Brétigny-sur-Orge en 1899, à 25 km au sud de Paris, en pleine Seine-et-Oise. La région, c’est le Hurepoix, à l’extrémité ouest du plateau briard qui étend ici ses espaces agricoles, entrecoupés de bois et de vallées verdoyantes. Aucune commune, à part Arpajon et Savigny, ne dépasse les 1000 habitants. Des hameaux, des fermes céréalières et des Folies, résidences secondaires de quelques riches Parisiens participent au paysage. Mais il y a le train ! En effet, depuis 1841, la ligne du Paris-Orléans, complétée dix ans plus tard par la bifurcation vers Vendôme et Tours, relie Brétigny à Paris et à la France entière.

     Quelques années auparavant, en 1892, un jeune Lorrain du nom de Lucien Clause décide de reprendre une affaire de graines à Paris, au 20 quai de la Mégisserie, à quelques pas de Vilmorin. Ce sera le point de départ d'une ascension prodigieuse puisque, quelques décennies plus tard, les Graines d'Élite Clause – ainsi que Brétigny et le jardinier à la brouette - seront connues dans le monde entier.

C’est donc en 1899 que Lucien Clause, voulant produire ses propres semences, commence à investir en achetant des terrains sur la commune de Brétigny-sur-Orge. Le choix est basé sur la terre, réputée pour la qualité des semences produites et sur la proximité de la gare. Depuis, la société ne cessera de se développer.

Publicité Clause, dans les années 1950
Publicité Clause, dans les années 1950
Faisons un saut d’un siècle, jusqu’en 1996. C’est l’Essonne. Les activités de l’entreprise Clause SA, devenue propriété de Rhône Poulenc, sont reprises par le groupe Limagrain mais ce nouvel acquéreur ne rachète pas le site de Brétigny. Le patrimoine foncier et immobilier, de forte valeur spéculative car situé en pleine zone de croissance urbaine, reste la propriété de Rhône Poulenc. L’essentiel de l’entreprise Clause est « déménagée » ; Rhône-Poulenc subissant des restructurations, le site restera en friches plusieurs années. Les bâtiments désaffectés subissent des dégradations naturelles (tempêtes de 1999) et des actes de vandalisme à répétition (squats et incendies...), notamment la splendide villa des Sorbiers, résidence de Lucien Clause construite en 1923.

En 2003, l’Agglomération du Val d’Orge conclut le rachat des terrains (27 ha pour 1,3 M€) situés à proximité de la gare et du centre de Brétigny mais toutefois de l’autre côté d’une voie ferrée, sans aucun passage commode dessus ou dessous. Officiellement, c’est pour en maîtriser l’aménagement mais très vite, les terrains seront rétrocédés à Brétigny et leur aménagement laissé aux bons soins de son maire.

En juin 2005, la Municipalité de Brétigny lance une campagne de communication autour de l’aménagement des terrains Clause (opération élargie à 46 ha et dénommée Clause - Bois Badeau). La population est appelée à réagir sur différentes idées d’aménagement dégagées lors des premières discussions. Certaines associations de défense de l’environnement ne s’en priveront pas car, derrière un semblant de concertation, le noyau dur du projet reste la construction de 1630 logements. Pour les défenseurs de l’environnement, les terrains Clause ne méritent pas ce traitement : il font circuler une pétition –signée par Topia.

Photo aérienne : Clause et les Sorbiers, vers 1960
Cueillette sur les Terrains Clause, vers 1950
Cette pétition est accompagnée d’un contre-projet limitant à 600 le nombre de logements à construire et demandant que pour l’essentiel, cet espace à dominante agricole soit sauvegardé et relié, par une coulée verte, au Parc Régional des Joncs-Marins et à la vallée de l’Orge.

Une autre association (PPIVO), soucieuse elle aussi d’un développement durable, a été créée pour promouvoir l’idée d’implanter sur le site Clause les « Potagers d’insertion du Val d’Orge ». Ce beau projet d’insertion, par le maraîchage, de personnes en difficultés aurait pleinement sa place sur des terres choisies jadis pour leur aptitude à la production maraîchère. C’est en effet à partir de là, que Gabriel Chevrier (« inventeur » du célèbre haricot qui porte son nom) puis Lucien Clause firent la célébrité de Brétigny aux quatre coins du monde. Malheureusement, pour être viable, ces potagers demandent une dizaine d’hectares, ce qui n’est pas très populaire auprès des décideurs qui privilégient « l’équilibre financier » de l’opération.

En mai 2006, rien n’a bougé en ce qui concerne le niveau de construction envisagé : 1630 logements et une nouvelle route d’accès traversant des espaces agricoles. La Commission extra-municipale créée sur le sujet a pu voir trois projets différents présentés par trois cabinets d’urbanistes. Mais ces projets, si intéressants soient-ils, intègrent forcément les impératifs donnés par la Municipalité !

Photo IGN : Les Terrains Clause et les Sorbiers, en 2005
Carte-IGN-Clause
Clause et les Sorbiers 1970
Clause et les Sorbiers 2003
Ce qui reste des Sorbiers © D. Deboise,  2004

Voilà où nous en sommes. Le combat du Collectif Clause pour un contre-projet plus respectueux de l’environnement et les demandes réitérées de l’Association PPIVO pour les potagers d’insertion, ne sont pas terminés. Mais l’étau se resserre : il faut paraît-il construire 60.000 logements par an en Île-de-France pendant 10 ans pour combler le retard. Moi qui croyais qu’un Français sur cinq habitait déjà en Île-de-France et que le reste du pays se désertifiait, j’ai sûrement rêvé.

Jean Bret, pour Format Paysage n° 19-20, printemps  2006



L’île Seguin rasée : 1992-2005 fin d’une histoire

    À l’heure où paraît ce numéro de Format Paysage, seuls quelques tas de ferrailles subsistent des 52 hectares de l’usine Renault de Boulogne-Billancourt, incluant les 12 hectares de l’île Seguin, en aval de Paris. En moins d’un an, la forteresse ouvrière emblématique de l’histoire industrielle française, s’est donc envolée en fumée, telle une liquidation de 13 ans de vains débats sur la transformation du site. Si, depuis la fermeture de l’usine en 1992, la presse nationale a largement relayé les enjeux architecturaux, urbains et mémoriels de cette transformation, ce sont avant tout les logiques foncières et financières qui ont décidé de son avenir désespérant.

      Paradoxes ? Il est vrai que les arguments de défense du site reposaient sur des paradoxes au moins apparents. 
      Premier paradoxe, celui du patrimoine. Sur la longue durée des siècles, l’usine Renault de l’île Seguin apparaît comme un anachronisme. Certes, elle participe avec d’autres (notamment Citroën) à l’implantation manufacturière automobile à l’Ouest de la capitale. Mais aux pieds des coteaux de Meudon et face à la plaine aristocratique de Boulogne du méandre de la Seine, l’île, isolée des rives opposées, n’a eu jusqu’en 1919 qu’un usage essentiellement agricole et piscicole, ménageant aussi quelques espaces de loisirs, et résistant étonnamment à l’urbanisation de la capitale. C’est Renault qui, débordant de son site de Boulogne, en entreprend la conquête entre 1919 et 1925, artificialisant l’île inondable par adjonction de 5 mètres de remblais, enfouissant des centaines de pieux en béton pour les fondations des ateliers, et jetant deux ponts sur la Seine en 1929 et 1932. L’île n’est d’ailleurs complètement bâtie qu’en 1955. L’occupation industrielle de l’île est donc d’une durée très courte sur la longue durée des paysages. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier les réactions des contemporains à sa construction.
          Deuxième paradoxe, celui du site en tant que bien commun. En effet, visible de tous, l’usine a été appropriée par beaucoup, en premier lieu ceux qui y ont travaillé, les voisins, les passants, les porteurs de mémoire. Néanmoins, ce site est entièrement la possession de l’entreprise Renault privatisée en 1996, qui ne pouvait renoncer au produit d’une emprise foncière exceptionnelle dont elle était détentrice. Comment alors définir ensemble un projet commun et débattu, compte tenu de ce paramètre ?
La pointe amont, vue du Pont Daydé 
© T. Le Roux (Topia), nov. 1999
       Enfin, l’immensité du site rendait impossible sa muséification, ou même sa réutilisation totale pour d’autres usages. Selon les impératifs contemporains de la ville propre et écologique, tentant de mêler différentes fonctions et procurant des espaces verts, il était nécessaire d’imaginer une forme urbaine en rupture au moins relative avec l’existant. Comment en effet concilier le désir d’un site ouvert, lumineux et aquatique avec cette coquille sombre et refermée sur elle-même, derrière ses hauts murs bétonnés qui peut s’apparenter métaphoriquement à une forteresse ?
Maquette du projet de conservation Reichen et Robert, pointe aval vue de Boulogne
© T. Le Roux (Topia), nov. 1999
       Etat des lieux, 1999. Et pourtant, en 1999, le sort de l’île déchaîne les passions. Une querelle d’architecte sur fond de rivalités politiques à Boulogne fait éternuer la machine bien huilée du concours d’architecture lancé par Renault, et achevé quelques mois plus tôt. Durant l’été, le dossier s’enlise. La revue L’archéologie industrielle en France peut titrer « Que restera-t-il de Billancourt ? », espérant au minimum la conservation de quelques éléments remarquables, en s’appuyant notamment sur le travail de l’agence Reichen et Robert, bien connue des défenseurs du patrimoine industriel, qui avait proposé dès 1994 un projet de reconversion faisant la part des choses entre conservation et destructions (cette agence a réhabilité à Paris la grande halle de la Villette, le pavillon de l’Arsenal et la chocolaterie Meunier à Noisiel).
La pointe aval, vue de Meudon 
© T. Le Roux (Topia), mars 1999
       Un tel engouement national était trop tentant, et le 19 novembre 1999, infiltrant un groupe d’étudiants en architecture, j’ai visité l’île Seguin, cette forteresse imprenable, goûtant tel un fruit défendu à une promenade intérieure qui seule peut rendre compte réellement de l’immensité du site. Sans vie (chaînes de montage et machines ont déjà fait la joie des ferrailleurs) et en sursis, l’intérieur n’en est pas moins grandiose et gigantesque, alignant, juxtaposant et croisant piliers et fermes métalliques, verrières zénithales et latérales, disposés de façon rationnelle, mais donnant la sensation d’un gigantesque labyrinthe où la verticalité se joue de l’horizontalité, donnant force et énergie au bâtiment. Un espace vide aussi, immense, paysage intérieur suscitant un certain mystère, et ne le cachons pas, de la mélancolie.

       Sur le toit de l’atelier 6, qui domine l’île, le paysage « géographique » reprend ses droits. Le point de vue sur le méandre de la Seine est époustouflant, balayant les coteaux de Meudon, la plaine de Boulogne, Issy-les-Moulineaux, Paris. En cette fin d’année 1999, tout reste possible, le concours d’architecture est remis en cause, et l’on peut encore espérer une réhabilitation du site magnifiant son paysage.

Dernier bâtiment en destruction : l’ancien
atelier 6 © T. Le Roux (Topia), février 2005
      Le sens d’un paysage. Notant ironiquement que le film de promotion immobilière de l’entreprise Renault présenté lors de cette visite exaltait l’usine en tant que telle - bien que l’entreprise fasse tout pour s’en débarrasser, force est de constater que Renault a inscrit son empreinte dans le paysage et ses représentations. En deux ou trois générations, l’usine est devenue un marqueur de paysage important.

       De même, est révélateur le va-et-vient des professionnels et des promeneurs du dimanche, venant photographier la destruction de l’île. Plus que d’un attrait du paysage de la ruine, il s’agit bien de capter une mémoire qui s’envole. Pourquoi tenir tant à cette île industrielle ? Disons-le, elle a créé un esprit des lieux, celui de la banlieue de première couronne, dont la mutation s’est accélérée à la fin du XXème siècle. Et par sa position sur la Seine, elle a créé un paysage sensible à tous et que l’on voit disparaître, impuissants.

       Pour réussir la reconversion du site, une préservation de certains de ses éléments aurait été nécessaire, ainsi que leur lien avec les nouvelles constructions. Une valorisation de cette histoire exemplaire aurait aussi pu être trouvée au travers d’un musée, un centre d’interprétation et de recherche sur l’histoire industrielle automobile, etc. Mais l’option choisie a été celle de la table rase : hormis la façade amont, il ne restera rien de l’usine, niant un processus de sédimentation historique...
 
     Négations. Cette logique de la table rase est non seulement une négation de la mémoire, c’est aussi la négation de tout débat démocratique. Le citoyen, grand absent du devenir du site, a assisté impuissant aux tristes passes d’armes entre entreprise et promoteurs, architectes et élus. L’État porte une lourde  responsabilité de cette grande braderie. « Propriétaire » de l’usine en 1992, il n’a pas saisi l’occasion de tirer le bilan d’une histoire industrielle et d’en extraire les données culturelles, s’en désengageant avant même la privatisation. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’en panne d’idée d’intérêt général, les collectivités locales aient vu en l’homme d’affaire François Pinault le sauveur du projet, quand celui-ci a proposé en 2000 la création de son Centre d’art contemporain privés s’étendant sur un tiers de l’île. À l’échelle du site, un réel débat démocratique (et non pas des présentations cacophoniques des projets successifs) était nécessaire ; il aurait permis d’éviter des conflits d’intérêts paralysants. Le paysage en fait donc les frais et n’ayant été utilisé toutes ces années que comme faire-valoir et prétexte.
La pointe amont, vue de Meudon, où seule la façade subsiste © T. Le Roux (Topia), février 2005

      Epilogue. En mars 2005, une seule chose est sûre : l’usine est rasée. Car pour ce qui est de son avenir, hormis la banalité de constructions qui, parions-le, seront dans la logique urbaine récente des Hauts-de-Seine, tout est encore incertain ! Pinault attend d’ultimes négociations sur le PLU (Plan local d’urbanisme) de Boulogne-Billancourt qui fait l’objet de procédures en contentieux, l’homme d’affaire se réservant un retrait si elles n’aboutissaient pas…
Il ne faut pas désespérer Billancourt, dit-on ?

Thomas Le Roux, pour Format Paysage n° 15, hiver 2005

Le mont Blanc, 4808 mètres :
Le plus haut panorama européen est-il le plus beau ?

   L’idée de point de vue panoramique est indissociable de celle de paysage, à petite échelle, et de façon globale, d’autant plus qu’il est vu à 360°. Il était donc tentant d’admirer le paysage du point culminant européen. Disons-le d’emblée : non, à 4808 mètres d’altitude, le paysage n’est pas le plus beau.
 
     Le paysage de l’alpiniste, de celui qui gravit, se limite d’abord à ses pieds qui doivent garder la trace et l’adhérence des crampons sur la glace. Ensuite à une blancheur immaculée qui réfléchit dangereusement le soleil et impose des lunettes de glaciers. Le froid, le vent, l’air sec qui assoiffe, l’effort, le temps compté, autant de paramètres qui contrarient le luxe de la contemplation.
Le Mont Blanc, vu du refuge Vallot © M. Turlure (Topia), 2004

    La haute altitude opère une inversion du paysage : un hiver rigoureux en plein été, l’aérien accessible à pied, un horizon très bas… Ce point de vue impose une distanciation avec le paysage commun : sans nuance et dominateur, il rejette au loin détails et hiérarchies, écrase densités et contrastes. Inhumain pourrait-on dire. Mais en même temps, il offre une proximité inégalée avec le paysage glaciaire : les quelques boursouflures des glaciers vues de la vallée, écrasées et sans perspectives, deviennent ici séracs en surplomb, crevasses, sculptures et architectures fantastiques, et structurent le paysage, telle une mer en furie figée brusquement, comme le glacier des Bossons. Et surtout, suprême privilège, le voisinage de sommets mythiques, lus et relus sur les cartes, et si peu vus des vallées.

    Le paysage du Mont Blanc se mérite (on ne sait pas en partant si l’on y parviendra… et l’on espère bien revenir !) : il rend possible l’accomplissement, la victoire sur le massif et sur le risque. Sur l’arête sommitale, le temps d’un vertige, d’une exaltation, d’un survol en surplomb, une seconde de méditation est pourtant possible. Si ce n’est pas le plus beau, c'est à n'en pas douter le plus dépaysant !
Vue à 4400 mètres  © M. Turlure (Topia), 2004

   Thomas Le Roux et Matthieu Turlure, pour Format Paysage n° 13, été 2004

L'exposition CLIMAX : une chance pour l'environnement !

      Le dernier éditorial de Format Paysage (FP n°10) alertait ses lecteurs sur les graves périls que le réchauffement climatique faisait courir à notre planète. Quelles seront à terme les conséquences de ce phénomène pour notre planète et ses paysages ? Comment peut-on agir pour en limiter les conséquences ?

        L’exposition CLIMAX, organisée du 28 octobre 2003 au 29 août 2004, à la Cité des Sciences et de l’Industrie, arrivait à point nommé pour répondre à ces différentes questions. Je me suis donc rendu avec ma classe de CM2 Porte de la Villette pour informer mes élèves sur les dangers qui pèsent sur notre environnement.

        Force est de constater que tout n’a pas été conçu pour le jeune public, en particulier, les espaces « Simulateur » et « Forum ». Néanmoins, le film, d’une durée de 25 minutes, mérite à lui seul le détour. À l’aide d’images de synthèses, projetées à 360° sur huit grands écrans, il présente, avec clarté,  les données du problème. Quatre scénarios proposent une vision de ce qui pourrait se produire à l’échéance 2100 selon que l’on réduise ou non les gaz à effet de serre (G.E.S.). À l’heure actuelle, un Africain produit 1 tonne de GES par année, un Européen en produit 10 et un Américain 20 !

          En 2001, le GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental de l’évolution du Climat) a conclu que l’essentiel du réchauffement de la Terre observé au cours des 50 dernières années était dû aux activités humaines et que les changements climatiques majeurs sont devant nous. En conservant notre mode de vie actuel, si la population continue d’augmenter, si les pays pauvres se développent comme nous à l’aide d’énergies fossiles, d’ici 2100, la température moyenne pourrait s’élever de 4 à 6°C et le niveau des mers de 80 centimètres. Pour mémoire, depuis 8000 ans, la température n’avait pas varié de plus de 1°C… 

      Si les solutions proposées à la fin de la projection peuvent paraître irréalistes, cette exposition, en alertant les générations futures, est incontestablement une chance pour l’environnement !

    Charles Moulin, pour Format Paysage n° 11, Hiver  2004
CLIMAX, à la Cité des sciences et de l’industrie
30, avenue Corentin Cariou, 75019 Paris.
Du mardi au samedi de 10h. à 18h. et le dimanche jusqu’à 19h.
Site Internet : http://www.cite-sciences.fr


Les éoliennes, un enjeu avant tout énergétique

     L’édito de cet été, sur la question énergétique, m’intéresse énormément… Pincez-moi si je me trompe mais il me semble que cette fois-ci, le ton employé n’est pas aussi contemplatif qu’auparavant. Je partage votre alarmisme et, en général, votre analyse sur les répercussions que les agissements des hommes ont sur notre plus grande alliée : notre petite Terre. 

     Cet été, l’environnement nous a donné des signaux montrant les conséquences du comportement « prédateur » que nous avons à son égard. Il y en a qui ont trouvé ça chouette : la Méditerranée à Paris ; le soleil et pas de pluie ! 

     Moi, ça m’inquiète. Familière des climats plutôt secs je ne connais que trop bien les ravages que le déficit hydrographique entraîne sur nos vies et notre environnement. Encore une fois et pour démasquer « l’avocat du diable », nombreux sont ceux qui pensent qu’au nord des Pyrénées les risques sont moindres. Du genre : la technologie dont nous disposons permet de climatiser, arroser, congeler, conserver… Produire (presque tout) ce dont on a besoin et que l’on peut s’offrir. Bref, le progrès à l’Américaine : grand dévoreur d’énergie, recherchant un confort immédiat, peu soucieux d’une gestion plus globale, durable et rationnelle des ressources et du reste.

      Pour les progrès dans le domaine des énergies renouvelables (éolienne mais aussi solaire), je suis tentée de dire : heureusement qu’il y a l’Europe ! La France participe activement aux projets européens qui ont donné naissance à d’immenses champs d’éoliennes et un (à ma connaissance) parc de production d’énergie solaire dans le sud de l’Espagne… Mais ici même, il ne se passe pas grande chose. Que dire ? Est-ce que le fait que la France soit un très grand producteur d’énergie nucléaire n’y est pas pour quelque chose ??? Toute polémique mise à part, le premier distributeur d’électricité en France commence tout juste à lancer des initiatives visant la promotion de sources d’énergie plus soucieuses de l’avenir alors que les recherches nationales dans ce domaine ont plusieurs décennies d’âge. 

      L’été 2003 constituera-t-il le coup de massue dont nous avions besoin pour devenir plus mordant dans ce secteur ? Votre conclusion est la mienne… promouvoir, élargir, informer (pour écarter de l’esprit des gens, les ardents défenseurs des paysages comme les amateurs du « progrès = confort pour soi », les doutes sur les méfaits d’une mauvaise gestion de notre patrimoine naturel)… bref militer comme vous le faites aujourd’hui.

      Voici pour le pamphlet… tout ça pour dire que je « ré-adhère » même si, comme jusqu’à présent (peut être un peu plus, qui sait ?), je ne pourrai pas me consacrer autant à Topia qu’il me plairait.

Maria Lincot, pour Format Paysage n° 10, Automne  2003


Pour des noms qui témoignent de la mémoire des hommes, ou des lieux ?

     Au milieu des années 90, le ravalement de façade d’un immeuble du 8ème arrondissement de Paris suscite une polémique : on a « oublié » de remettre en place la plaque commémorant les évènements dans ce qui était… le siège de la Gestapo. Le débat proposé par Format Paysage relance la question des lieux de mémoire et des noms qui y sont associés : le paysage urbain doit beaucoup à sa toponymie, à la force symbolique et à l’évocation des noms de rues. Ainsi, doit-on débaptiser des noms de rue pour rendre hommage à d’illustres personnages ? « Dis moi quel nom tu portes, je te dirai quel paysage tu es ». Deux adhérents prennent position : 

Pour des noms qui témoignent de la mémoire des hommes...

    Si les noms de De Gaulle ou de Jean Moulin rappellent aux passants le souvenir des événements de la seconde guerre mondiale, qu’en est-il des milliers de fusillés tombés au champ d’honneur… et dans l’anonymat ? Un nom de rue ou de place, une plaque, c’est bien là le minimum que la nation puisse faire pour honorer la mémoire de ceux qui sont morts pour sauvegarder notre liberté et les valeurs de la République. 

     Les noms de rue sont ainsi souvent données à des figures locales de la Résistance. Communistes ou gaullistes, l’hommage rendu par les municipalités n’est pas dénué d’arrière-pensées politiques. Argument supplémentaire pour donner aux lieux des noms plus consensuels ?

     Au risque de froisser les amoureux des rues des « jonquilles », des « mimosas » et autres « chats qui dansent », je pense que ces derniers ont moins apporté à l’humanité que les ouvriers, enseignants, étudiants ou soldats morts pour leurs idéaux. Peut-être la civilisation hédoniste et individualiste dans laquelle nous vivons ne peut plus comprendre de tels sacrifices ?

    Soit. Dans ce cas, travaillons pour les générations futures, si l’Histoire, un jour, malheureusement bégaie. Je propose ainsi de légender tous les noms de rues ayant un rapport avec la seconde guerre mondiale par la mention "Héros de la résistance. Passant, souviens toi… ". Les jeunes générations pourraient recenser avec leurs enseignants toutes les plaques de ce type dans leur commune et enquêter pour apprécier la bravoure de ceux qui étaient parfois à peine plus âgés qu’eux…
 

Charles Moulin, pour Format Paysage n° 03, Hiver 2001
 Pour des noms qui témoignent de la mémoire des lieux...
     Pourquoi pas des plaques de rue comme ces panneaux publicitaires qui savent si bien attirer notre œil sur le périphérique parisien : des petites vitrines dans lesquelles alterneraient toutes les 10 minutes, les noms des « Hommes » du moment ? Évidemment, ce ne serait pas très pratique pour trouver son chemin… Eh bien, qu’en pensent ceux qui ont habité 50 ans au chemin des Foulons et qui, un beau matin, découvrent fixée au coin de leur rue, une plaque bien propre qui leur ricane au nez : « Avenue Pompidou » ? Qu’est-ce qu’il a à voir avec la rue des Foulons, cet homme ? Est-ce qu’il y a vécu ? Qu’est ce qu’il y connaît aux foulons, d’abord ? Pourquoi lui et pas un autre ? 
Plaque de rue 
©  F. Sérandour (Topia), 2001

    La mémoire des noms serait-elle plus essentielle que celle de la vie ? Combien de personnes savent aujourd’hui, ce qu’ont accompli des Vaillant-Couturier ou des d’Estienne d’Orves (OK, De Gaulle est hors concours) et pourtant quelle bourgade ne dispose pas d’une avenue ou d’un boulevard (pas moins, restons sérieux) à leurs noms ? Et puis, franchement, est-ce bien l’endroit pour leur rendre hommage ? N’est-ce pas un peu court ? Gravons leurs patronymes à la feuille d’or sur des monuments, bâtissons des statues pour immortaliser ces corps si chers à la Nation (quoique des fontaines ce serait plus convivial mais bon...). Relatons leurs hauts faits dans les classes d’écoles, exclamons-nous dans les livres…

      Dépoussiérons l’âme de nos rues et pour celles à venir, faisons peut-être dans l’universel : « Avenue de la Poésie », « Rue de la Liberté » ou « Boulevard des Droits de l’Homme ». Utilisons des symboles pourquoi pas, mais sur lesquels chacun est libre de mettre l’esprit qu’il souhaite et, avant tout, laissons les rues à ce qui les a fait exister, vibrer, rire ou pleurer. Nos vies sont faites de la grande histoire autant que de la petite. Et celle-là, qui nous l’enseignera si ce n’est un petit vieux d’humeur prolixe qui nous remarquera, interloqués, devant la « Rue du chat qui danse » ou la « Place du banc des amis »…
 

Fabienne Sérandour, pour Format Paysage n° 03, Hiver 2001

 
 
 
 

 

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