Il me tardait, tout au long de ce long hiver, de le voir réapparaître,
sortir de l’obscurité, des brumes et des neiges. Ce matin l’eau
court dans les fossés et les prairies ont reverdi. Marron, gris,
ocre ou brun, le paysage a repris de discrètes couleurs, sous le
soleil montant de mars. Mais le froid vif et la bise font cependant taire
le printemps : la végétation patientera encore.
Combien de fois cet espoir déçu d’une journée clémente,
sans avoir à subir en plus des soucis quotidiens, la gifle du vent
ou la morsure du gel. La route semble plus longue, le trajet plus risqué.
Et chaque déplacement est subi comme une épreuve. Les rivières
ont inondé les pâtures. Le brouillard a gagné la vallée.
Une aigrette semble suspendue au-dessus d’un miroir. Moins éclatants,
les bovins, stoïques et fumants, me regardent ruminer cette triste
solitude. La terre est lourde et retient leur pas. Moi-même, sur
mon visage cette atmosphère épaisse m’éprouve et me
retient.
Personne ne traverse, personne ne me croise, personne en sens inverse et
rêveries sournoises. Dans une timide clarté, d’incertaines
silhouettes ferment en s’agitant un horizon étroit. Elles semblent
effacées, sur fond dé saturé. Le ciel lui-même
s’est depuis longtemps échappé au dessus des stratus. La
pluie apporterait un peu de mouvement.
Regagnant mes collines, je pense au feu de bois. Saison de l’intériorité,
ce soir nous lirons.
En marge des principales liaisons interurbaines, demain je guetterai la
première hirondelle.
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Bouquet d’aulnes au
bord du Grison, près de Chapaize
© Cédric Crémona
(Topia), 2006
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Le petit village de
Cruzille, dans les Monts du Mâconnais
© Cédric Crémona
(Topia), 2006
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